Le barrage de Kariba est un barrage hydroélectrique situé dans les gorges de Kariba du bassin du Zambèze, à la frontière entre la Zambie et le Zimbabwe. Depuis sa construction en 1961, l’énergie induite par la chute d’eau lors de la décharge du barrage, a provoqué un phénomène d’érosion au pied de l’ouvrage (80 mètres de profondeur) risquant, à terme, de menacer la stabilité du barrage et par conséquent, d’accélérer sa destruction.
Afin de stopper ce phénomène et d’assurer la stabilité du barrage, une solution a été retenue par les experts techniques et Maître d’Ouvrage : créer un bassin de dissipation d’énergie dans la zone d’érosion.
Notre client nous a donc sollicité pour proposer une solution de pompage permettant de vidanger le Plunge Pool (la fosse) et ce sans faire descendre le niveau de plus de 2 ml par jour sous peine d’effondrement de l’ouvrage.
LE JOURNAL DE BORD DE CE BEAU PROJET
par la personne en charge du pilotage
Dès mon arrivée, j’ai aidé l’équipe sur place à mettre en place des procédés plus rigoureux afin de démarrer le projet dans les meilleures conditions. En effet, je me suis rapidement aperçu que certains câbles n’avaient pas été tirés et que les vannes n’avaient pas encore été installées sur les collecteurs. Nous avons remédié à ce flou de départ en contrôlant le matériel présent, en notant le matériel manquant et en accélérant la récupération des dernières palettes.
Les armoires électriques qui s’y trouvaient encore étaient indispensables pour pouvoir tirer les câbles. Nous avons même gagné du temps pour commencer l’installation des pompes.
Ce jour-là nous avons effectué le câblage des deux pompes Méga restantes en mobilisant une soixantaine de personnes. Le premier câble a été tiré en 40 minutes environ à cause de la difficulté d’accès au chemin qui était, il faut bien l’imaginer, complètement inapproprié pour une réalisation dans les règles. Cela n’a pas tardé à entraîner des conséquences : après vérification de la protection mécanique du câble, il s’avère qu’il est abimé sur une trentaine d’endroits.
Nous avons donc décidé d’installer des rouleaux de protection sur le chemin de câble et de protéger toutes les zones à risque d’accrochage. Lors du second tirage de câble, nous avons repéré des dégâts mais moins nombreux. Nous avons donc aménagé une partie du chemin de câble afin de faciliter les accès et améliorer le tirage.
Coupure électrique. Il s’avère que le groupe électrogène de 250 kVa installé n’est pas suffisant pour alimenter plus d’une pompe magnum. Il surchauffe considérablement du fait que son radiateur est obstrué de câbles.
Nous trouvons une solution inattendue : les portes ouvertes ; l’aération suffit pour que le groupe fonctionne comme nous le souhaitons.
Les conditions d’accès aux sondes sur une falaise sont difficiles voire périlleuses. Nous proposons d’utiliser une perche de déport pour pouvoir effectuer les réglages des électrodes depuis le haut de la falaise. Le client préfère mettre un lest sur les sondes afin de les faire descendre au plus près du niveau d’eau, où elles seront plus facilement accessibles. La solution est testée et approuvée.
Je prends le bateau de transport pour atteindre l’une des 3 pompes qui est en panne. Après avoir contrôlé les isolements, les câbles entre les coffrets de dérivation et de démarrage, je découvre une fuite de courant entre l’eau et le coffret de dérivation. Deux solutions s’offrent à nous :
1- Inverser le câble de sens pour que la partie en défaut ne se retrouve pas dans l’eau
2- Remplacer le câble, mais la tâche est beaucoup trop difficile à réaliser et nous n’avons pas assez de personnel
Je commence par sécuriser les clapets et refoulements sur radeau. J’ai également formé les chefs d’ateliers et opérateurs sur le réglage des pompes afin que chacun puisse réagir au cas où la situation empire. C’est une mesure temporaire, je dois d’abord demander un avis avant de me lancer dans l’inversion du câble, un travail dont je connais la difficulté physique. Sur les conseils de mes collègues, nous décidons d’isoler le coffret du radeau par l’intermédiaire d’un caoutchouc. Bonne nouvelle : le résultat est immédiat et le pompage peut enfin démarrer pour un débit total de plus de 1000 m3/h .
Les essais de la journée sont concluants et le client s’en réjouit. La régulation fonctionne comme il le souhaite, une pompe suffit pour maintenir le niveau dans le plunge pool.
LE MOT DE LA FIN
J’ai quitté ce chantier avec sérénité et avec la fierté du devoir accompli. Malgré les difficultés liées à l’environnement dans lequel nous devions évoluer, l’efficacité et la cohésion de nos équipes dans le partenariat avec les différents interlocuteurs du client ont porté leurs fruits. J’ai personnellement dépassé mes limites grâce à Telstar, en travaillant dans cette situation complètement inédite en comparaison à nos chantiers en France. C’était une expérience riche en explorations techniques et en émotions.